J'AI DÉCIDÉ D'ÉCRIRE

samedi 14 novembre 2015

Dix-huit morts. Puis trente. Trente neuf. Une centaine. Cent vingt sept. Hier soir, plus le nombre augmentait, plus j'avais froid. 

Je l'avoue, au début je n'y ai pas prêté attention. Pour moi, tout a commencé sur Twitter où des amies à moi on dit "j'ai peur, il y a des coups de feu près de chez moi". J'ai fermé la fenêtre, le temps de faire quelque chose d'autre. Lorsque j'ai réouvert Twitter, j'ai compris l'horreur qui se tramait. J'ai tout arrêté et j'ai mis des chaînes que je déteste regarder d'habitude, des chaînes d'info en continue. Pourtant, hier soir, alors que j'étais chez moi, confortablement installée, à des kilomètres des attentats, c'était tout ce que je pouvais faire. Au fil de la soirée, nous nous sommes mobilisés comme on l'a pu. Réseaux sociaux, messages, images symboliques, bougies allumées en hommage. Chaque personne était prête à loger un inconnu, quelqu'un qui était dehors alors qu'un massacre avait lieu. Hier, alors que des horreurs étaient dites, tout le meilleur de l'être humain ressortait également. 
Nous avions tous peur. Peur d'aller nous coucher et de se réveiller en apprenant que pire était encore arrivé. J'ai commencé à avoir froid. Je me suis emmitouflée dans une couverture, pris une boisson chaude. Mais rien n'y a fait, le froid m'a glacé le os. La violence m'a glacé le sang. 

Certains feront aujourd'hui le choix de ne rien poster et c'est tout à fait honnorable et respectueux. D'autres feront le choix de continuer à vivre en postant des images, des messages qui n'ont rien à voir avec ce qu'il s'est passé. Ils n'ont pas plus tort que les autres. C'est nécessaire. Il faut montrer qu'on continue à vivre.
Pour ma part, je fais le choix d'écrire sur ce qu'il se passe.  J'ai besoin de comprendre ce que je ressens. J'ai besoin de me dire que, oui, plus tard il restera une trace de cette journée. Un Vendredi 13 bien sombre... C'est tellement étrange de se dire qu'on est en train de vivre l'Histoire. De se dire que plus tard, mes enfants auront cette journée dans leurs livres de cours. De se dire qu'ils vont étudier ce que nous sommes en train de vivre, qui semble si oppressant pour nous. Mais dans quel monde vivront mes enfants lorsqu'ils auront l'âge, et j'espère, la possibilité d'étudier ? Est-ce que je désire réellement avoir des enfants dans un monde aussi chaotique, dangereux et inhumain ? 
Aujourd'hui, tous les médias diffusent cette petite phrase en boucle : "Nous sommes en guerre." Comment mes ancêtres ont-ils réagi lorsque cette phrase faisait la Une des journaux de l'époque, des émissions de radio ? Comment est-ce que ça se passait ?

Aujourd'hui nous sommes confrontés à des situations que nous ne connaissons pas forcément. C'est tellement difficile d'être impuissant, de se sentir coupable à l'idée d'aller faire autre chose plutôt que de s'occuper avec ce qu'il se passe. Comment peut on dormir alors que des personnes meurent près de nous. Comment faire pour les aider, plutôt que de rester là, coincés devant nos télés et nos écrans ? 
Aujourd'hui, certaines personnes préfèrent garder le silence. D'autres préfèrent continuer de vivre pour surmonter l'horreur qui se trame. Pour ma part, j'ai décidé d'écrire.



10 commentaires:

  1. Merci à toi d'avoir écrit cet article vraiment touchant et très lucide ! En ce jour la France est en deuil mais elle demeure unie et solidaire ! Tu as réussi à mettre les mots là ou je n'arrive pas à les mettre.... Encore merci

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    1. Wooh, merci beaucoup pour ton commentaire, je suis très touchée -^^-
      Heureusement, même si la France est blessée aujourd'hui, elle ne se relèvera que plus forte demain :)

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  2. Un France meurtrie, l'humanité touché. Merci pour ce beau texte.

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    1. On ne pouvait pas mieux résumer la situation qu'avec cette phrase :)

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  3. Je partage totalement ton sentiment d'avoir le besoin d'écrire sur ces événements ainsi que tes ressentis.
    Merci pour ce texte,
    Pauline

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    1. Merci beaucoup Pauline :)
      c'est parfois plus simple de les écrire et de les voir même si c'est parfois difficile...

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  4. Encore une fois tu résume parfaitement la situation. Ton article est très touchant. Merci

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  5. c'est bien de posé des mots sur ce qu'on ressent tous à cet instant. pour ma pars, je n'ai apris que le lendemain en me levant, et je dois dire que je ne savais plus où j'en étais, c'est vraiment horrible tout ça.
    je ne connais pas ces gens, je n'ai pas perdu d'amis, de famille, j'ai perdu des futurs amis. et de les savoirs décédé, je suis aussi triste que si je les connaissais.
    pour l'instant, j'apréhende le retour en cours lundi matin, voir ce que les profs vont nous dire, parce qu'ils ne sont pas con, on à presque tous 18 ans, on passe notre bac à la fin de l'année, et on sait très bien ce qu'il se passe. Pour les attentats de charlie hebdo, aucun ne nous en avait parlé, alors là j'attend...
    ce qu'il me fait juste chié, c'est que vu que notre sonneries est à 11h55, les gens ne vont pas respecter la minute de silence...
    en tous cas, avec les autres chroniqueuses du blog, nous avons décider de respecter les 3 jours de Deuil National, et de ne rien poster avant Mercredi. On ne se voit pas faire come si de rien était alors que le monde pars en vrille, que des familles pleures à l'hopital, et que nous, on continuerais de vivre notre petite vie.
    merci pour cet article, il ne fais pas que d'éclairer ce que tu ressent toi, mais aussi beaucoup d'autre personne qui liront cet article

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  6. Je crois que j'avais lu ton article quand tu l'avais posté. je n'avais pas commenté parce que je ne trouvais pas les mots pour ça et ne les trouverai probablement jamais. Mais là, maintenant, en le relisant plus de trois mois après, j'en ai des frissons... alors déjà bravo car c'est très bien écrit, et tu as raison pour tout. Des fois je me dis encore que je ne réalise pas que c'est bel et bien arrivé... on passe à autre chose, parce qu'il le faut, mais c'est horrible. Je m'en veux presque. ça parait irréel. En France surtout... Moi j'ai rien vu ni entendu avant 23h parce que je discutais avec une copine via snpachat et que c'est elle qui m'a mise au courant. J'ai eu super peur pour mes cousins qui sont tous trois là-haut. Et je mets toujours du temps à vraiment réaliser même avec des preuves sous les yeux. Et quand c'est le cas je suis vraiment chamboulée. J'ai quand même été hyper touchée que mes potes d'Afrique du Sud pensent à moi et même que le parc ait mis des rubans aux couleurs du drapeau français aux grilles des enclos ! En janvier j'étais à Paris le jour après Charlie mais le jour J des fusillades... pas le choix parce que besoin d'aller à l'ambassade pour mon visa. autant dire que j'avais jamais vécu une ambiance pareille et que ça fait froid dans le dos. Je crois qu'on fuit tous encore, en tout cas je sais que c'est ce que je fais, parce que j'ai la frousse...

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