Article | "On n'envoie jamais de faire-part lorsqu'on part en résistance."

vendredi 9 janvier 2015

       Même après en avoir parlé sur Facebook, j’ai l’impression que cela ne suffit pas. Vous êtes bien évidemment au courant du drame qui a eu lieu à Paris il y a deux jours de cela. Des extrémistes islamistes ont assassinés douze personnes dans les locaux de Charlie Hebdo.             Je vous avoue que ce n’était pas un journal que je lisais. J’en lis d’ailleurs peu de manière générale. Ce n’est pas que je ne l’aimais pas, mais que je le connaissais peu. J’espère avoir l’occasion de le lire désormais. Alors oui, beaucoup de personnes en ont déjà parlé. Mais si j’écris ce matin cet article, c’est que je ne parviens pas à écrire le genre d’articles que vous avez l’habitude de voir. J’ai l’intention de vous publier mes prochains challenges, une chronique, une vidéo, etc. Mais j’ai la sensation que tant que je n’aurai pas écrit ce message, je ne serais pas tranquille. C’est plus fort que moi. J’ai besoin de coucher ceci à l’écran pour que ça sorte. Comme si c’était mon devoir.
            
Voilà des semaines que je n’ai qu’une envie : écrire.

Bien sûr, je l’ai déjà fait, et j’ai eu l’occasion de m’exprimer comme je le souhaitais. Malheureusement je manque terriblement de confiance en moi, et je retarde chaque jour cette envie qui grandit en moi. J’ai envie d’écrire. Seulement voilà, il m’a fallu attendre ce drame pour me faire prendre conscience à quel point il était important de s’exprimer sans avoir honte, peur, sans avoir un doute ou une crainte. La liberté d’expression – et la liberté tout court – est une chose formidable, essentielle et nécessaire dans notre monde. Lorsque j’ai appris la nouvelle, je n’ai pas réagis. Je n’étais pas chez moi. Il m’a fallu allumer ma télé, voir les infos pendant vingt-quatre heures pour être anéantie, bouche bée, et muette face aux événements. En voulant tuer la parole, ces terroristes n’ont fait que la décupler, la libérer d’autant plus, et dans le monde entier.

            Je chéris les mots depuis toujours. Ayant peur de les fabriquer moi-même, je les observe, les écoute, les lis. Je leur donne toute mon attention possible car j’ai conscience que les livres, les écrits et la maîtrise d’une langue sont le pouvoir, l’arme contre laquelle personne ne peut rien. Aujourd’hui, j’ai envie de faire plus que les admirer. J’ai envie de m’en occuper, de les manier et de les découvrir d’une autre manière. La grammaire est une chanson douce, d’Erik Orsenna, m’a fait prendre conscience il y a des années de cela à quel point il fallait s’en servir, avec précaution et amour.

            Au fond, je me rends compte que je ne sais pas quel est le message que je souhaite faire passer. Mais peu importe. J’ai tout simplement ce besoin d’écrire, de poser des mots sur ce que je ressens. Autour de moi, je connais de nombreuses personnes qui ne comprennent pas, dénigre et se moque de mon intérêt pour les livres. « Les livres n’ont aucun avenir » Quelle phrase blessante et révoltante. Voilà. C’est de la colère que j’ai aujourd’hui. De la colère et de la peine pour ce qu’il s’est passé. Le fait que l’image tourne dans le monde entier nous prouve à quel point le moment est grave, à quel point nous sommes arrivés à un stade déplorable.

Un chroniqueur du journal attaqué a dit que, et je ne le mets pas entre guillemets car je ne me rappelle plus de la phrase exacte, ces extrémistes publient des vidéos où ils décapitent des journalistes sur Internet, mais tuent douze personnes dès qu’on se met à dessiner. Où va le monde ? C’est triste d’en arriver là ! Quand je vois ces dizaines et dizaines de tweets qui acclament pitoyablement sous des « bien fait » ou des « c’était mérité ». J’en passe des pires.. Que dire aussi de tous les commentaires Facebook que j’ai pu voir entre moquerie de certains, et on se demande comment ils peuvent encore dire ça, et des amalgames de la part d’autres. Comment se fait-il que ces gens parviennent à écrire n’importe quoi mais surtout des monstruosités sans savoir respecter le monde ?


            Il y a un mois encore, une de mes professeures de littérature a terminé son cours – concernant 1984…-  par la phrase : « Lisez. Continuez de lire et maîtrisez votre langue, ainsi vous aurez du pouvoir. » (C’était quelque chose dans le genre) Et aujourd’hui cette phrase n’en est que plus vrai. On ne s’attaque qu’à ce qui est vrai. On est blessé que par la vérité. Je pense ce matin à tous ces livres que l’on m’a fait découvrir au fil de ma scolarité et qui m’ont éclairé sur les mots. Je pense à ces livres que j’ai découvert moi-même et qui n’ont fait qu’amplifier cet amour que j’ai envers eux.

            
            Je ne parviens pas à clore cet article comme je le souhaiterais. Peut-être ne suis-je pas encore assez prête ? Je pense avoir peur de m’engager. J’ai peur de dire ce que je pense et ainsi d’attiser la haine. Car je sais que les terroristes ne sont pas les seuls à le faire, dans notre pays. Attiser la haine. Certains sont très doués pour ça. Mais aujourd’hui, je me suis promis d’écrire. Et de dévoiler ce que je ressens. Hier, le Président de l’Assemblée Nationale a su parfaitement exprimer ce à quoi je pense ce matin. « On n’envoie jamais de faire-part lorsqu’on part en résistance. » Voilà pourquoi j’écris. Il ne faut pas attendre, il faut réagir. Oublions à qui il s’adresse, oublions sa signification personnelle. Aujourd’hui j’en ai une tout autre. Aujourd’hui, pour moi, tout le monde a la possibilité de se révolter. Et c’est pourquoi j’ai écrit ces quelques lignes.


✏ Merci.

8 commentaires:

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    1. Merci de ton commentaire ♥ C'est bon de dire ce qu'on a sur le coeur..

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  2. Merci beaucoup d'avoir rendu hommage aux victimes de la tuerie :)

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    1. J'avais la sensation que si je ne le faisais pas sur mon blog, je n'aurai pas été honnête. Je suis soulagée d'avoir pu le faire !

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  3. C'est tellement beau ce que tu as écris, la façon dont tu l'as écris. C'est dommage que ça soit pour des circonstances pareils.

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    1. Wow.. Merci énormément pour ton commentaire. J'avais très peur des retours, mais je suis sincèrement touchée. Je ferai en sorte que les circonstances soient meilleures la prochaine fois alors. :)
      Merci beaucoup !

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  4. Très beau texte et tu as bien raison, lire et écrire, c'est continuer à vivre!

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