C'est la plainte, presque éteinte, d'une sainte.

mercredi 12 octobre 2016


Israël dit Adieu à Gaza
Il y a une semaine, ma prof d'écriture journalistique nous a demandé d'écrire un article sur cette photo. Prise le 18 août 2005 par Menahem Kahama, elle s'inscrit dans le retirement du peuple Israëlien sur les terres de Gaza. Cette jeune israëlienne née là-bas est contrainte de partir, l'homme face à elle est du même peuple qu'elle. J'avais très envie de partager avec vous ce que j'ai écrit, bien que ça soit très personnel. Ce genre d'articles change un peu ; j'espère qu'il vous plaira. 

Ils sont au centre de tout un peuple, au centre de l’Histoire, au centre de l’objectif, et pourtant il n’y a qu’eux. Leur échange est des plus durs. L’émotion vibre entre eux. Mais ils ne se regardent jamais. Tout est fait pour que leurs yeux ne se rencontrent pas.
La jeune femme les a fermés. Elle se mord les lèvres et ses paupières semblent closes à jamais. Son visage est prisonnier d’une grande détresse mais finalement, c’est elle tout entière qui est prisonnière de son propre peuple. Née sur cette terre, la voici contrainte de partir. Le tissu qu’elle porte renvoie toutes ses convictions, toute sa rébellion. C’est une toile de safran qui couvre ses épaules. Comme la teinte du soleil couchant, voici la fin d’une journée. Cette couleur flamboyante lie ses mains délicates. Poings serrés mais sans volonté de frapper, elle invoque un espoir, elle prie, et ne veut pas y croire. « C'est la plainte, presque éteinte, d'une sainte. »1

Hélas, l’homme qui lui fait face ne répond pas à ses supplications. Peut-être lance-t-il lui aussi un appel à une entité qui pourrait venir l’aider. Menton levé, regard porté vers le ciel, ce n’est pas le visage d’un soldat qu’on a là, mais celui d’un frère blessé par ses propres balles. Pourtant il n’a ici qu’une seule arme en main. Ce n’est pas un fusil qu’il tient entre ses bras, encore moins une bombe prête à la détonation ; mais seulement sa voix qui porte l’ordre dont il est le messager. Le silence qui fige la photo, fige à la fois leur douleur.
Porte-voix contre poings levés, c’est dans un combat silencieux que cet homme et cette femme s’affrontent. L’un contre l’autre. Citoyens d’une même terre, d’une même patrie ; on entend l’homme tout près lui dire : « Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur, D’aller là-bas vivre ensemble. […] Au pays qui te ressemble !»2

À côté d’eux, il n’y a que des uniformes qui s’alignent. Symbole d’autorité, ils ne sont que du flou. Ils ne sont que des coursiers que le vent a menés là. Comme un mirage dans un désert brûlant, leur image est celle d’yeux embués par les larmes.
Mais on n’a pas le temps de pleurer que voici la réalité qui revient nous frapper au premier plan. Ni mirage ni chimère. Après trente-huit ans d’occupation sonne l’heure de la décolonisation. Pour nous Occidentaux cela rime avec indépendance. Pour cette jeune Israélienne sûrement née sur les terres de Gaza, ce glas résonne avec violence.
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1. Victor HUGO, « Les Djinns » Les Orientales (1829)
2. Charles BAUDELAIRE,  « L'invitation au voyage » Les Fleurs du mal (1857)

8 commentaires:

  1. Je découvre par hasard cet article et je le trouve parfaitement bien écrit. Il retransmet très bien les sentiments de cette photo, bravo !

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    1. Bonsoir Gaëlle :)
      Merci énormément pour ton commentaire ! Je suis vraiment touchée :)
      À très vite j'espère -^^-

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  2. Tu écris très bien. Même plus que très bien. C'est... vraiment très beau.

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  3. Salut ^^
    je ne m'attarde que rarement sur les photos , notamment sur ce conflit, mais je dois dire que ton article est génial et bouleversant. Tu retranscrit les émotions, dans un style avec beaucoup de poésie. C'est juste magnifique

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    1. Coucou !
      Oui, c'est un conflit compliqué. Je ne suis pas très calée sur la question. Je m'y suis surtout penchée pour mon exercice. Merci énormément pour tes compliments. Ca me touche énormément. :)

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  4. Wouaou , je suis fière de toi ma fille. Je ne peux que t'encourager dans cette voie ..

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